Francesca Marchesini

Billet de la présidente · L’Educateur · Septembre 2020

Nous déplorons depuis plusieurs années des conditions de travail et d’apprentissages qui se détériorent. Nous dénonçons une école qui ne se donne pas les moyens de ses nobles ambitions. Une école qui ne répond pas aux besoins des élèves en difficulté. Une école qui, faute de moyens, fait la sourde oreille aux différentes alertes émises par les professionnel·les du terrain et ne répond qu’aux urgences quand il est déjà bien souvent trop tard. Cette école inclusive qui, comme nous le disons depuis longtemps, ne l’est que sur le papier.

Celles et ceux qui ont suivi l’actualité parlementaire de l’année dernière n’auront pas été étonné·es des difficultés rencontrées en fin d’année scolaire lors notamment de l’organisation des classes. En effet, le refus d’octroi de budget du Grand Conseil aura conduit le Département de l’instruction publique (DIP) dans ses derniers retranchements financiers et l’aura poussé à sacrifier les derniers vestiges de l’école inclusive.

Depuis des années, la stratégie du DIP consiste à ne pas toucher les effectifs de classe, ce qu’il considère comme la prestation directe auprès des élèves, mais de rogner petit à petit les éléments qui constituent l’école autour de la classe, notamment le personnel administratif et technique (PAT). Le primaire est sous-doté en secrétariat depuis des années et cette charge de travail ne cesse de se reporter sur le corps enseignant. Il est évident que, dans le contexte politique actuel particulièrement défavorable, le département doit effectuer des choix.

Nous constatons malheureusement que le primaire n’est toujours pas une de ses priorités et que les décisions qu’il prend relèvent avant tout d’une profonde méconnaissance de l’enseignement à l’école primaire. Nous alertons en effet les collègues et les autorités que le modèle inspiré du secondaire que l’on voit progressivement s’imposer dans nos écoles n’est pas adapté et dégrade inexorablement l’environnement pédagogique de nos élèves.

Au niveau primaire, les variables d’ajustement de cette dégradation continuelle sont les ECSP – enseignant·es chargé·es de soutien pédagogique, les temps partiels, les CP – coordinatrices et coordinateurs pédagogiques et les MDAS – maitre·sses de disciplines artistiques et sportives. Il ne fait pas bon d’être une minorité quand on travaille au DIP. En effet, pour maintenir les prestations directes auprès des élèves, le département coupe dans les mandats des MDAS dont on a déjà augmenté l’horaire de deux périodes en 2016.

Cet été, les équipes pluridisciplinaires, l’unique projet mis en place pour soutenir les écoles primaires, ont été démantelées et onze enseignant·es ont été informé·es par téléphone le 14 juillet qu’ils et elles étaient réaffecté·es, potentiellement dans une autre école, à des mesures SPES (soutien pédagogique de l’enseignement spécialisé) aux élèves. Ces enseignant·es spécialisé·es qui se sont investi·es dans des écoles ont été déplacé·es et ont changé de fonction sans pouvoir donner leur avis ou même consulter la liste des postes vacants, sans aucun respect pour les projets mis en place ou le moindre souci du suivi des dossiers.

Il n’y a donc aujourd’hui plus d’enseignant·es spécialisé·es dans feu les équipes pluridisciplinaires des écoles genevoises. Pourquoi s’étonner d’un tel traitement dans une institution où le directeur général, en entrant en fonction, s’adresse à toutes et tous ses collaboratrices et collaborateurs par courriel, sauf les enseignant·es? À la conférence de presse de rentrée, le 18 aout, la magistrate a salué l’immense investissement des directions générales et d’établissements sans qui la rentrée 20 n’aurait pu se faire. Pas un mot sur et pour les enseignant·es, sans qui les rentrées ne se feraient pas tout court et qui doivent se débrouiller sur le terrain sans moyens et sans consignes claires quant aux mesures sanitaires.

Francesca Marchesini, présidente de la SPG


Ce billet est paru dans le journal L’Educateur · Septembre 2020