Partie 3 : De la collaboration empêchée et la dépossession de la gestion de leur formation continue

L’impact non objectivé de l’introduction du mercredi matin

L’introduction du mercredi matin a impacté conséquemment la collaboration au sein des équipes, d’une part parce que les enseignant·es du cycle moyen ne sont plus jamais tous·tes présent·es en même temps à l’école, ce qui génère encore aujourd’hui des tensions considérables ( planification complexifiée, présence exigée aux séances et divers évènements de la vie scolaire pendant les décharges ou les jours de congé, collaboration empêchée ), et d’autre part parce que ce nouvel horaire limite considérablement les décloisonnements, soit l’opportunité de penser une pédagogie transversale, hors de la classe. À l’heure où devraient être pensés un enseignement interdisciplinaire et une prise en charge collective des élèves dans le cadre d’une responsabilité partagée, où l’élève ne serait plus l’élève d’une classe, mais d’une école, est constatée au contraire une tendance à un repli sur soi des enseignant·es derrière les portes de leur classe.

D’un point de vue structurel, l’éclatement, le morcèlement des horaires et des temps partiels rend les collaborations très difficiles voire impossibles. Aujourd’hui, les collaborations se limitent de plus en plus aux collègues qui partagent le même degré. L’institutionnalisation progressive de cette forme de collaboration circonscrite se fonde davantage sur les affinités personnelles que sur une véritable posture professionnelle et soulève de nombreux problèmes. Par ailleurs, cette « collaboration » observée actuellement dans les établissements relève plus d’une répartition des tâches que d’une collaboration professionnelle. De plus, sa validation formelle par de nombreuses directions d’établissement relève d’une forme de méritocratie : en acceptant en effet que certaines personnes refusent de collaborer avec d’autres, il est admis en filigrane qu’il y aurait des motifs fondés de ne pas vouloir collaborer avec certain·es de nos collègues. Il se peut que cela soit effectivement le cas, mais la gestion RH et administrative de ce type de situation devrait actuellement relever de la responsabilité des directions d’établissement.

Interprofessionalité : multiplication théorique des collaborations

Certes, on peut développer des affinités personnelles, collaborer plus facilement avec certain·es collègues, des liens d’amitié peuvent évidemment se tisser dans ce cadre, mais ces liens n’ont pas leur place dans une salle des maitresses du fait de leur nature par définition exclusive de celles et ceux qui ne les partageraient pas. Par ailleurs, dénuées d’une posture professionnelle, les relations entre collègues peuvent conduire à développer des attentes inconvenantes qui relèvent davantage des relations amicales que collégiales. Par ailleurs encore, il semble paradoxalement que les enseignant·es n’aient jamais aussi peu collaboré qu’à l’ère du développement quasi exponentiel de l’interprofessionnalité. En effet, jamais tant de professions différentes n’ont eu à se côtoyer et à travailler ensemble dans l’enseignement régulier. Sur ce point, le système a beaucoup à apprendre de l’OMP – Office médico-pédagogique. Or la professionnalisation des enseignant·es, selon la définition de Tardif, à savoir de véritables professionnel·les orienté·es vers la résolution de problèmes, autonomes dans la transposition didactique et le choix des stratégies pédagogiques, implique de former, mais surtout d’octroyer l’autonomie nécessaire pour développer de véritables professionnel·les, capables de travailler en synergie dans le cadre des établissements et d’équipes pédagogiques, organisés pour gérer leur formation continue.

Francesca Marchesini, présidente de la SPG

Paru dans lÉducateur, octobre 2023